Noci Piercing

Interview de Nicolas, gérant de Noci Piercing

Bonjour Nico, tu es le fondateur de Noci Piercing, également le perceur principal du studio. 

Depuis quand est-il ouvert ici, à La Garenne-Colombes (92, Hauts-de-Seine) ? 

L’aventure a commencé en 2002.

Je n’aurais jamais imaginé être encore ici 20 ans plus tard, en 2022, et pourtant, j’y suis, et la clientèle aussi.

Avant cela, as-tu travaillé dans d’autres shops ?

J’ai travaillé dans peu d’autres shops.  Lors de ma première année en tant que perceur en exercice (2000), j’ai officié pendant un an à Argenteuil (95, Val d’Oise), au sein d’une petite boutique avec un tatoueur puis à Colombes (92, Hauts-de-Seine), chez un autre tatoueur, environ un an. 

Ensuite ce fut l’installation à la Garenne-Colombes, dans un premier local, beaucoup plus petit que celui-ci (16 m2). 

Enfin, J’ai déménagé juste à côté, en 2007, afin d’agrandir le studio. 

A quel âge as-tu commencé le piercing, et comment t’es venu cette vocation ?

Quand j’ai commencé, j’avais 21 ans. c’était plutôt marginal à l’époque. En fait, je ne me suis jamais imaginé faire autre chose ! 

J’ai pensé au tatouage, mais j’étais mauvais en dessin (rires)

Plusieurs éléments ont nourri ma vocation.

Tout d’abord la mouvance ethnique/tribale m’a toujours fasciné. Depuis toujours les êtres humains portent des bijoux. Il existe souvent toute une symbolique autour, comme les rituels, les rites de passages où l’on ajoute un ornement sur la personne qui devient adulte, ou pour montrer son courage, pour communiquer avec les ancêtres, comme signe d’appartenance à une tribu. 

Je pense notamment aux femmes girafes, aux femmes à plateau, au branding, à la scarification…

La mouvance punk/rock qui émerge dans les années 70, avec les épingles à nourrice, les gros anneaux dans le nez, par exemple, a été percutante pour moi également. Cette esthétique me plaisait énormément. Et puis, on y trouve ce côté contestataire, qui fait partie intégrante de ma personnalité. 

Enfin,  le côté spirituel et libérateur de la modification corporelle est un élément clé de ma vocation. Il est question de pouvoir décider de son apparence, de pouvoir modifier sa peau, son enveloppe corporelle, de ressembler à ce qu’on est au fond de soi, de changer son aspect de naissance. Cela commence du petit piercing à l’oreille jusqu’aux modifications plus lourdes. En d’autres termes, pouvoir être en accord avec son apparence et s’aimer. 

Comment s’est passée ta formation ? Peux-tu nous parler de ton mentor? 

J’ai suivi une formation en 1999 auprès d’un maître d’apprentissage, JP, qui était perceur depuis 1996. Aujourd’hui il n’exerce plus mais malgré cela nous sommes très amis. 

L’apprentissage d’aujourd’hui ressemble à celui d’il y a vingt ans. C’est un peu à l’ancienne, car il n’y a pas de formation d’Etat, pas de diplômes nécessaires. 

 Selon moi, cela laisse la place aux personnes qui ne sont pas faites pour les études. En gros, l’apprenti est en formation et apprend le métier “sur le tas”.

Qu’est ce qui te passionne le plus dans ton métier ?

La technique. Pouvoir envisager toujours de nouvelles choses, différentes, et se donner des challenges.

On peut penser que le sujet du piercing a une fin, moi je ne pense pas. On peut toujours évoluer, à l’image de l ‘industrie autour du piercing, qui évolue au rythme de la profession et vice versa. Ce qui était valable hier ne l’est pas forcément aujourd’hui. 

Ce métier est très complet, les aspects sont divers : technique, image, bijoux, hygiène, mode, relation clients…etc. 

Tout est intéressant en fait. Le ou la client.e doit avoir un beau piercing et surtout une belle expérience. 

As-tu eu des moments de doute sur ton métier, par exemple avant d’ouvrir ton propre studio ?

Les doutes sont constants, du moment où j’ai envisagé de faire cette profession qui n’existait pas réellement à l’époque et ce jusqu’à aujourd’hui.

J’ai l’obsession de bien faire mon travail, alors je me pose tout le temps des questions. Il y a un retour assez immédiat à notre époque avec les réseaux sociaux mais ce n’est pas forcément représentatif.  Je suis toujours en questionnement, ce qui est souvent énervant pour mon entourage ( rire ).

Néanmoins,  les objets des doutes évoluent. Maintenant, je me sens légitime de faire mon travail, voilà un doute qui a disparu par exemple. 

Auparavant je me demandais “vais je y arriver ? vais-je gagner ma vie avec cette profession?” maintenant je me demande plutôt :  “comment faire mieux ?”  ou encore « La clientèle suivra-t-elle encore les prochaines années ?”

Les  remises en question demeurent personnelles, professionnelles et contextuelles  car “demain tout peut changer”. 

Si tu devais donner un ou plusieurs conseils à celui que tu étais quand tu as commencé le piercing, lequel/lesquels se seraient ?

Aies confiance en toi, sois toi-même et n’aies pas de doute sur ta future réussite. 

Peux-tu nous raconter une ou plusieurs anecdotes sur ton métier ? Amusantes, émouvantes ou originales. 

J’en ai des centaines évidemment !

Des anecdotes amusantes, d’autres touchantes ou étonnantes. On ne sait jamais à quoi va ressembler notre journée. 

Un jour par exemple, ma collaboratrice reçoit un appel de la part de la productrice de deux youtubeurs français avec plusieurs millions d’abonné.es. Elle souhaitait que je vienne sur un tournage, en présence de Will Smith afin de percer l’oreille de l’un des deux youtubeurs. Deux jours après, nous nous retrouvions au Ritz, à côté de Will Smith et Martin Lawrence. C’était un peu dingue.

Quelle personne admires-tu le plus dans le monde du piercing/de la modification corporelle ? 

De manière générale, j’ai été très inspiré par les performeurs, avant d’être des perceurs,  travaillant sur l’aspect spirituel de notre rapport au corps.

Au début de ma carrière j’étais passionné par le travail de Lukas Zpira, le français à l’origine du mouvement du “body hacktivism”. Son univers englobe le transhumanisme, un sujet qui me fascine. 

Evidemment, j’ai été très inspiré par Fakir Musafar, un maître à penser pour beaucoup de monde, dans le milieu.

fakir musafar

Plus récemment je trouve mon inspiration chez de très bons perceurs techniciens américains, à travers les réseaux sociaux par exemple. C’est très utile de pouvoir se rendre compte des évolutions et innovations du milieu (critères esthétiques qui changent, placements de piercings…)

Selon toi, quels sont les clichés les plus répandus sur le métier de perceur ?

Moi je dirai : “les perceurs sont aussi tatoueurs” et “il n’y a que des aspects cools dans ce métier”, et toi ?

Quand on annonce qu’on est perceur, la première réaction est : “ha !  Tu fais du tatouage aussi ?” (rires)

Selon moi, plusieurs clichés reviennent fréquemment. 

La plupart des gens pensent qu’on a une vie de rêve, qu’on fait la fête toute la nuit et qu’on travaille le jour. Elles et ils pensent aussi qu’on est un peu foufou. 

Par ailleurs certain.es sont convaincu.es que l’on a jamais mal quand on se fait percer ou tatouer, qu’on ne ressent pas la douleur. 

Enfin, malheureusement un cliché répandu est que nous serions des « dépravés », malgré le fait que le piercing ne reflète plus la même image qu’autrefois et soit bien moins marginal.

Quels sont tes projets de modifications corporelles ? 

J’ai quelques idées pour mon oreille droite, un faux rook et un conch avec de jolis bijoux BVLA en or jaune. Pour l’instant, il n’y a rien de plus car je laisse venir les idées.

Que penses-tu des shops de piercings à prix cassés ? 

Attention danger !

Un piercing est l’installation d’un corps étranger par effraction cutanée. C’est une procédure anti naturelle pour le corps humain,  donc quand elle est réalisée dans des conditions d’hygiène déplorable ou sans connaissance technique, le danger est présent. 

Ainsi, des protocoles d’hygiène précis doivent être mis en place. S’ils ne sont pas respectés, la transmission de maladie est possible. On n’imaginerait jamais un chirurgien implanter une prothèse sans protocole d’hygiène.

Il ne faut pas du tout le prendre à la légère, même si on se dit “au pire je l’enlève”. Car parfois c’est trop tard, le mal est fait lors de la procédure. 

Par ailleurs, les matériaux sont extrêmement importants.. Un matériau non biocompatible relâche des molécules dans l’organisme qui deviennent dangereuses pour les cellules humaines, et jouent sur la santé des gens à moyen et long terme. 

Si les studios de piercings affichent des “prix cassés”, cela signifie qu’à un moment ou un autre, le travail n’est pas correct. 

Comment fais-tu pour rester toujours à la page en termes de techniques, de bijoux, etc ?

J’échange au maximum avec mes confrères et consoeurs. Je me fais percer régulièrement pour me souvenir de ce que l’on fait à nos client.es, car c’est un acte sensible qui n’est pas anodin.

J’assiste à des séminaires, conférences, de plusieurs jours, où des professionnel.les du monde entier ayant acquis un haut niveau de technique partagent leur savoir lors de cours théoriques et workshops. 

Par ailleurs nous échangeons également en dehors des cours, de manière informelle. 

Selon toi, que faut-il pour devenir perceur.se ?

Tout d’abord, il faut être passioné.e.  Ce métier est trop compliqué à appréhender sans avoir la flamme pour le piercing. 

Ce n’est pas un boulot alimentaire. Il faut supporter la pression de la procédure, et malgré le fait que ce métier semble être tranquille, il demande de l’abnégation, du sérieux, de la rigueur et du temps. 

Je pense qu’il faut questionner nos pratiques assez souvent, il faut un sérieux à tout épreuve, savoir dire non à un.e client.e aussi, avoir du discernement sur ce qu’il est possible de faire ou non. 

Aussi, il est important d’avoir un bon relationnel avec la clientèle. Un piercing est réussi lorsque la procédure s’est bien déroulée, que le.a client.e a passé un bon moment et que le piercing lui plait. Si l’un de ses éléments est manquant, je n’ai pas bien fait mon travail. 

Quel est le projet le plus chouette que tu aies fait sur un.e client.e ?

 Je ne pense pas à un seul projet mais à l’ensemble des projets, car ils amènent leur lot de challenges techniques et esthétiques, en fonction de la morphologie, que ce soit une construction sur oreille, sur un visage, ou en génital. 

Lorsqu’il y a une démarche du.de la  client.e  pour un projet, mon travail dès le départ est d’orienter vers ce qui est esthétique et qui tient, qui soit viable. Cela veut dire parfois changer de projet, car il serait irréalisable techniquement ou les bijoux ne conviennent pas, par exemple.

Il est rare qu’un.e client.e laisse carte blanche pour un projet et quand ça arrive, nous avons beaucoup d’échanges et aboutissons à des projets magnifiques. On s’éclate ! 

Quel est ton style de bijoux préféré ? 

Je n’ai pas un seul type de bijou favori.

J’apprécie le côté brut du titane, l’apparence métallique.

Je suis subjugué par certaines pierres, comme le quartz rutilé, la topaze london blue.

L’or jaune me plaît beaucoup, surtout lorsqu’il est martelé. 

Mon fabricant reste BVLA : la qualité, la finesse, le design, la beauté des gemmes, tout est réuni.

 

Merci Nico pour toutes ces réponses, à bientôt !